Mon rapport à l’espace et au territoire est traité dans mon travail de manière obsessionnelle. L’espace devient alors le sujet de ma recherche. Comme je peux le traiter avec mon plus récent projet autour d’un tunnel situé à Fos-sur-Mer, au niveau du port de plaisance. Après avoir exploré ce territoire très vaste qu’est cette ville très particulière, je revenais sans cesse de manière inconsciente au début puis après de manière obsessionnelle sur cet espace.

Cet espace que j’ai tenté inlassablement de traverser sans jamais y parvenir, une forme de cristallisation d’un sentiment entre fascination et répulsion. Par ailleurs, ma position de femme la nuit, dans l’espace d’un tunnel accentuait ce rapport ambigu avec ce contexte. Cette transposition, cette tension effective à développer en moi une nécessité d’activation d’un projet sur cet espace, l’espace du tunnel, devenant prétexte à un dispositif de monstration immersif.

La multiplication des médiums utilisés insiste sur l’épuisement que j’ai effectué sur ce tunnel. Cette pièce est une installation immersive. Elle mêle, photographie, éclairage, diaporama sonore, édition, vidéo sous-titrée, boîte lumineuse, dessin... Tout l’accrochage est pensé dans une volonté d’accompagner le spectateur dans un tunnel, dans une déambulation. La place du corps est essentielle, comme réceptacle de cette expérience.

Le projet porte diverse dimension, tant théâtrale, qu’optique, que cinématographique, tout en questionnant la place du corps de la femme dans ces espaces, projection d’un potentiel danger à venir. Espace noir, obscure, peu rassurant, nous mettant en tension involontaire.
Je me suis focalisée sur ce tunnel, surtout la nuit ou au petit matin, car c’est pour moi le moment où la lumière souligne et met en avant cette étrangeté, cette angoisse et cette peur que ce lieu peut provoquer. D’autant plus durant la saison de l’hiver où il est délaissé, très peu emprunté et abandonné. C’est pour moi une forme de lieu cinématographique. La nuit est dans son épaisseur, son étalement un moment qui fige le mouvement de l’activité humaine, ou du moins l’agitation de la vie. Pour moi, la nuit, laisse la possibilité à une dramatisation de l’espace par l’éclairage nocturne. La ville dans son vide apparent, la nuit silencieuse est peut être une vision fantasmée de cet espace d’une simple banalité. Cette démarche est pour moi une manière de me réapproprier l’espace, un territoire transfiguré par son atmosphère.

Cette installation comporte cinq pièces indépendantes les unes des autres, mais cohabitant et dialoguant ensemble comme une unité de lieu. Comme une volonté d’allumer, de dévoiler cet espace. Avec comme référence des artistes comme Fastenaekens : « La ville sourde » ou encore Chris Marker « La jetée ». Le film d’Allan Clarke « Elephant » ou encore le travail vidéo-graphique de Marc Lewis présenté au Bal.

J’ai travaillé avec différents registres d’images afin de développer mon expression plastique face à ce lieu afin de le traduire non pas comme un objet de représentation, mais comme un sujet pouvant s’inscrire en accord avec notre monde contemporain.